Lawrence de Picardie épisode 5

Publié le par BoArts

LAWRENCE DE PICARDIE ÉPISODE 5

Résumé des épisodes précédents : Dans le cadre d’un marché avec le Fromage de Tête de la République franque, le célèbre indépendantiste Lawrence de Vermandois et son écuyer Michel doivent empêcher l’Empereur de Cathay, Jeff Ping, d’envahir le monde libre. Après avoir rendu sa population immortelle en lui faisant boire le sang du Christ, il l’a réuni le long d’une immense ligne Nord-Sud. La prochaine étape est simple : si les deux milliards de Cathaens se mettent à courir en surplace, ils accéléreront la rotation de la Terre sur elle-même, et donc le déclin du monde occidental. Les Asiatiques immortels n’auraient alors plu qu’à exterminer une poignée de vieillards pour dominer le globe.

Alors que le plan de Ping va être mis à l’œuvre d’un moment à l’autre, Lawrence, Michel et un jeune djihadiste du nom d’Othmane Chanaoui s’approchent discrètement de la ligne des coureurs...

 

Les aventuriers parcoururent Cathay d’est en ouest, traversant tour à tour les provinces de Ganau, de Mogolie intérieure et du Hebei. Partout, ils trouvèrent les villes et les villages abandonnés, signe que la mobilisation de la population se poursuivait malgré les sanctions onusiennes. Il apparut d’ailleurs aux trois hommes que les barreaux des parties orientales et occidentales de la cage avaient été presque complètement limés, comme pour faire passage à une armée de front. Sans doute la mise en œuvre du plan de Jeff Ping était-elle imminente ; bientôt, deux milliards de Cathayens immortels se mettraient à courir en sur-place, accélérant le mouvement de la Terre, et avec elle le déclin de l’Occident. Le rapport de force entre les deux « blocs » s’inverserait au bout de quelques heures, et plus rien ne s’opposerait à la domination du monde par la gangrène communiste. La Picardie ne ferait pas exception.

« Combien de jours encore jusqu’à la ligne des coureurs ? cria Michel à Othmane, qui ouvrait la marche sur son chameau de combat.

- Nous y sommes ! » annonça l’éclaireur. Nos héros étaient parvenus au sommet d’une montagne de déchets industriels comme il en existait des centaines à l’est de Cathay, et d’où l’on avait vue sur une vaste plaine rendue stérile par la surexploitation agricole.  Une interminable ligne de coureurs s’y étirait du nord au sud, la coupant en son milieu comme une cicatrice de césarienne sur l’abdomen d’une vieille femme. L’Empereur de Cathay se tenait à quelque distance de la ligne, vautré sur son palanquin doré.

« La dernière étape de notre mission, fit Lawrence.  

- Et de notre vie terrestre, ajouta le Maure, bien décidé à mourir en martyr.

- On fait comme on a dit, alors ? » demanda Michel.

Les deux autres hochèrent lentement la tête et dégainèrent leurs rapières. L’écuyer haussa les épaules et s’empara de son gourdin. Il n’avait pas tout compris au plan de son maître, mais il lui avait paru bon.

            Dans un terrifiant grondement de moteur, la Tracy Temple et le David Blunkett foncèrent sur les Cathayens, suivis par Othmane qui hurlait un vieux chant berbère. L’effet de surprise fut total, et les aventuriers renversèrent plusieurs douzaines d’Asiatiques, les faisant passer sous les roues surdimensionnées de leurs tracteurs ou leur tranchant la tête au terme de complexes chorégraphies martiales. Cependant, leurs ennemis étaient nombreux et immortels, et ils ne pouvaient espérer les vaincre par la violence ; Lawrence le savait bien, et toute sa stratégie visait à contourner cet inconvénient.

Les trois hommes passèrent à grande vitesse devant la ligne déjà à moitié défaite des Cathayens. Cette manœuvre de provocation fonctionna à merveille : de nombreux coureurs rompirent les rangs pour se jeter à la poursuite des trois étrangers. 

            « Bigre, lâcha l’Empereur Ping. Ces imbéciles vont faire rompre les rangs à mes hommes… » Il sortit un talkie-walkie de sa poche et ordonna à ses relais de mettre en route l’opération sans prendre garde à l’intrusion.

            La directive fut suivie, et les Cathayens qui ne s’étaient pas lancé à la poursuite des assaillants se mirent aussitôt à courir en surplace dans la direction du Levant.

Lentement, imperceptiblement, la Terre commença à tourner sur son axe à une vitesse certes assez lente, mais néanmoins perceptible à l’œil nu.

« Ça commence ! hurla le chef picard en faisant piler son véhicule. Faisons tout de suite demi-tour ! »

            Ses deux compagnons obtempérèrent, et chargèrent la foule de leurs poursuivants, qui, surpris, s’écartèrent pour leur laisser passage. Ils rejoignirent ainsi la ligne des coureurs, qu’ils brisèrent en plusieurs endroits.

            « Mais c’est qu’ils reviennent… ! s’étrangla l’Empereur dans son talkie-walkie. Attrapez-les et mettez-les en pièces ! » Les étrangers s’étaient vus accorder l’occasion de fuir ; à présent, plus aucune pitié ne leur serait octroyé. Les deux milliards de Cathayens se ruèrent simultanément sur les trois hommes, les encerclant comme des phagocytes autour d’une bactérie particulièrement tenace.

            « Nous sommes faits ! » glapit Michel en s’efforçant de repousser les assaillants à coups de gourdin. Des dizaines de mains avides essayaient de le faire glisser de son tracteur, et ses deux compagnons ne se trouvaient pas dans une situation plus enviable.

            « Cela devrait marcher… » fit Lawrence entre ses dents. Le chevalier faisait tournoyer la Tambutcheuse au-dessus de sa tête, l’abaissant régulièrement sur un Cathayen essayant d’escalader son véhicule. Mais les Asiatiques avaient acquis une fraction de l’immortalité christique, et, même décapités, finissaient toujours par se relever et repartir à l’attaque.

            Le séparatiste picard ferma les yeux, et murmura une prière silencieuse au Seigneur. La foule des zombies se faisait à chaque seconde plus dense autour de lui, au point de faire craquer la terre en-dessous d’eux.

            Lawrence sourit. Comme prévu, son sacrifice et celui de ses amis ne serait pas vain : la terre se couvrait déjà d’épaisses lézardes. Incapable de supporter le poids de deux milliards de Cathayens tous réunis sur une même fraction de sa surface, la lithosphère se fissurait à grande vitesse et commençait à s’effondrer sur elle-même. Nos trois aventuriers se cramponnaient tant bien que mal à leurs montures ; autour d’eux, leurs ennemis étaient engloutis par les gouffres qui se formaient sous leurs pieds. Des geysers de lave avaient percé de la surface terrestre, et arrosaient ceux qui n’étaient pas avalés par les profondeurs.

            « Mission accomplie… » murmura le chef de guerre, auquel la conscience de se sacrifier pour la liberté du peuple picard donnait un aspect angélique. Il avait vaguement conscience des gens qui mouraient autour de lui, du grondement terrifiant de la terre et de la présence à ses côtés d’Othmane Chanaoui qui criait « Uallah akhbar ! » en poussant ses adversaires dans la lave. Puis une corde lui rebondit sur la tête. Il leva les yeux, et aperçut le pigeon mécanique de Clément Ader Wright qui faisait du surplace à une quarantaine de mètres au-dessus de lui.

            « Lawrence, montez ! » lui adjoignit l’aviateur, qui lança deux autres cordes pour ses collègues.

            « Othmane, nous mourrons en martyr un autre jour ! cria le Picard.

- Khrate ! pesta le Sarrasin en empoignant la corde et en se hissant jusqu’à l’avion, emportant son chameau entre ses jambes serrées.

- J’arrive aussi ! » ajouta Michel.

Une minute plus tard, les trois hommes étaient sains et saufs sur la banquette arrière de l’aéronef, et filaient vers La Grosse Pomme, laissant l’Empire de Cathay se dissoudre dans la lave en punition de leurs aspirations hégémoniques.

 

A présent que l’Empire de Cathay est neutralisé, les Francs accepteront-ils d’accorder l’indépendance à la Picardie ? C’est ce que vous saurez dans le 6ème et dernier épisode de notre grande saga rurale, Lawrence de Picardie.

 

Publié dans Lawrence de Picardie

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